Les Fidji sont un État souverain depuis leur indépendance de l'Empire britannique en 1970. Aligné sur le bloc de l'Ouest des années 1970 aux années 2000, le pays développe de 2009 à 2022, sous le gouvernement du Premier ministre Frank Bainimarama, une politique étrangère beaucoup plus active, diversifiant et approfondissant ses relations bilatérales et multilatérales avec les pays au-delà de l'Océanie et de l'Occident et participant de manière davantage prééminente aux organisations internationales.
Histoire
Les années Mara
Unifiées sous le grand chef autochtone Ratu Seru Epenisa Cakobau qui proclame en 1871 une monarchie constitutionnelle dotée d'une assemblée législative élue, les Fidji au début des années 1870 subissent les revendications politiques de colons européens qui souhaitent contrôler l'archipel. C'est pour contrer ces pressions, et également éviter la menace d'une éventuelle prise de contrôle du pays par les États-Unis, que le roi Cakobau offre son pays à la reine Victoria du Royaume-Uni. L'archipel devient une colonie britannique en 1874, au moyen d'un « Acte de Cession » par lequel les Britanniques s'engagent à respecter les prérogatives des chefs autochtones coutumiers ainsi que les intérêts de la population autochtone.
Les Fidji retrouvent paisiblement leur indépendance en 1970, devenant un dominion indépendant dont la reine Élisabeth II est symboliquement le chef de l'État mais où le pouvoir est exercé par un gouvernement responsable issu d'une Chambre des représentants élue par les citoyens. Ratu Sir Kamisese Mara, Premier ministre et grand chef autochtone coutumier, est la figure dominante des deux premières décennies de l'indépendance du pays. Il gère personnellement les affaires étrangères jusqu'en 1982, date à laquelle un ministère des Affaires étrangères est créé. Ratu Mara, âgé de 50 ans au moment de l'indépendance, devient le principal porte-parole des intérêts partagés des petits États insulaires en développement du Pacifique Sud sur la scène internationale : « Les autres dirigeants insulaires, plus âgés, comptent sur lui pour faire passer les intérêts de leurs jeunes États ». Les premières ambassades fidjiennes, dès l'indépendance, sont établies à Londres et à Canberra, marquant la primauté de l'importance des relations fidjiennes avec ces deux États occidentaux anglophones, ainsi qu'à New York pour permettre au nouvel État de participer à l'Organisation des Nations unies.
Ratu Mara et le gouvernement fidjien sont « à l'avant-garde du régionalisme océanien » - d'autant que les Fidji sont le premier petit État océanien à devenir membre des Nations unies, et le seul à en être membre au début des années 1970. C'est à Suva, la capitale fidjienne, que Ratu Mara s'entend avec les dirigeants des autres petits États océaniens en développement déjà indépendants à cette date (Îles Cook, Nauru, Samoa, Tonga) pour fonder un forum international de coopération régionale. À la demande de ses pairs, c'est le Premier ministre fidjien qui organise la création en 1971 du Forum du Pacifique sud. Dans le même temps, malgré cette volonté d'autogestion des petits États autochtones de la région, Ratu Mara adopte, comme ses pairs, une politique étrangère « fondamentalement pro-occidentale ». La politique de défense et de sécurité des Fidji se fonde sur une coopération informelle avec les États du traité ANZUS de défense mutuelle : Australie, États-Unis et Nouvelle-Zélande.
À la croisée -d'un point de vue à la fois géographique et culturel- entre les États polynésiens et les nouveaux États mélanésiens qui obtiennent leur indépendance dans la seconde moitié des années 1970, les Fidji mettent en avant la « Voie du Pacifique », expression inventée par Ratu Mara lors d'un discours aux Nations unies en 1970 : l'idée d'une façon de faire proprement océanienne fondée sur « la modération, le respect, le dialogue consensuel, l'inclusivité », une coopération avec les grandes nations occidentales articulée autour d'un « idéal pan-océanien ». Aux côtés de la Nouvelle-Zélande, et avec l'aval des autres petits États océaniens, les Fidji sous Ratu Mara promeuvent la dénucléarisation de l'océan Pacifique, position exprimée formellement par le traité de Rarotonga de 1985. Le gouvernement Mara soutient également la décolonisation du Pacifique, pressant la France et les États-Unis (puissance coloniale de la majeure partie de la Micronésie) à ce sujet, tout en veillant à conserver de bonnes relations avec les puissances occidentales.
Casques bleus fidjiens
Seul petit État insulaire océanien « à avoir une armée conséquente, héritière d'une tradition militaire », les Fidji participent à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) lors de sa création en 1978. Du point de vue fidjien, cette participation militaire à une opération des Nations unies est « une source de prestige international », conférant une image positive et davantage visible au pays sur la scène mondiale - d'autant que les militaires fidjiens acquièrent une très bonne réputation au sein de l'ONU. Le major-général fidjien George Konrote sera d'ailleurs le commandant des forces internationales de la FINUL de 1998 à 1999.
Le pays fera dès lors de sa participation continue à la Force de maintien de la paix des Nations unies l'un des marqueurs de sa politique étrangères. Depuis 1982, les casques bleus fidjiens ont été déployés au Sinaï égyptien, en Irak, en Somalie, au Timor-Oriental, en Syrie et au Sud-Soudan. En 2020, près de 500 soldats fidjiens demeurent sur site sous la bannière des Nations unies en Syrie (mission FNUOD) et en Irak (mission UNAMI (en)).
Après les coups d'État de 1987
Ratu Mara, dont le gouvernement conservateur ancre l'autorité politique des chefs autochtones sur le pays, perd les élections de 1987. Le nouveau gouvernement de centre-gauche, mené par le médecin Timoci Bavadra, comprend des autochtones roturiers et bon nombre de ministres issus de la communauté indo-fidjienne - citoyens d'ascendence indienne. Un mois plus tard, ce gouvernement progressiste est renversé par la force des armes ; le colonel Sitiveni Rabuka des forces armées fidjiennes mène successivement deux coups d'État pour rétablir la suprématie politique des chefs autochtones, et proclame dans le même temps une république, abrogeant le rôle symbolique de la reine Élisabeth. Le colonel Rabuka remet le pouvoir à Ratu Mara, qui dirigera pendant cinq ans un gouvernement « de transition ». Ces événements créent brièvement un froid entre les Fidji et ses partenaires australien et néo-zélandais, mais n'écornent pas les relations des Fidji avec les autres petits États océaniens.
Années 2000 : le tournant vers l'Asie
En l'an 2000, le nouveau Premier ministre Laisenia Qarase adopte immédiatement une nouvelle politique étrangère qu'il appelle « regarder vers le Nord » (Look North). Il s'agit de renforcer et de développer les relations diplomatiques et commerciales fidjiennes avec les pays d'Asie. En réponse aux sanctions financières imposées par l'Australie et la Nouvelle-Zélande à la suite du coup d'État paramilitaire mené en mai 2000 par le nationaliste autochtone George Speight contre le gouvernement travailliste du Premier ministre indo-fidjien Mahendra Chaudhry, et le maintien de ces sanctions contre le « gouvernement par intérim » que mène Qarase et qui s'inscrit dans la lignée des visées de ce coup d'État, le gouvernement fidjien souhaite développer les exportations fidjiennes vers les grands marchés chinois et japonais en particulier. Dans cette optique, le Premier ministre Qarase annonce le soutien des Fidji au souhait du Japon de devenir membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et au souhait de la Chine d'intégrer l'Organisation mondiale du commerce,.
En décembre 2006, le commodore Frank Bainimarama, qui s'était opposé au coup d'État de George Speight en 2000, mène le quatrième coup d'État dans l'histoire du pays : Accusant Laisenia Qarase d'attiser les tensions inter-ethniques par une politique discriminatoire à l'encontre de la minorité indo-fidjienne, il renverse le gouvernement Qarase, prend le pouvoir et promet de réformer les institutions du pays pour lui permettre de dépasser ses clivages ethniques. Faisant face à son tour aux sanctions économiques et diplomatiques imposées par l'Australie et la Nouvelle-Zélande, appuyées par le reste du monde occidental, Frank Bainimarama poursuit la politique de « regarder vers le Nord » initiée par son prédécesseur. Il s'agit d'accroître les relations diplomatiques et commerciales fidjiennes avec le Japon, la Corée du Sud, l'Inde, l'Indonésie, la Russie, mais surtout avec la Chine. Une ambassade des Fidji à Pékin, initialement promise par le gouvernement Qarase, est finalement ouverte en 2011 sous Bainimarama. La Chine devient un partenaire majeur des Fidji dans les années 2010, en termes d'échanges commerciaux ainsi que d'aides et d'investissements dans le développement économique fidjien, amenant l'Australie et la Nouvelle-Zélande à renouer et à raffermir leurs liens avec l'archipel,,,,,.
Années 2010 : une politique étrangère en expansion
Sous le Premier ministre Frank Bainimarama (légitimé par deux victoires électorales en 2014 et en 2018) et son ministre des Affaires étrangères Ratu Inoke Kubuabola, le gouvernement fidjien au début des années 2010 multiplie la formalisation de nouvelles relations diplomatiques des Fidji avec le monde au-delà de la région océanienne, et notamment avec les pays en développement : Le pays a des relations diplomatiques avec 70 pays avant 2009, mais avec 133 pays en 2013, année lors de laquelle Frank Bainimarama est accueilli en visite d'État à Pékin. Outre son ambassade à Pékin ouverte en 2011, les Fidji ouvrent au début des années 2010 des ambassades en Indonésie et en Corée du Sud, ainsi que de missions diplomatiques permanentes au Brésil et en Afrique du Sud, notamment, et rejoignent en 2011 le Mouvement des Non-Alignés, rompant ainsi avec leur alignement historique sur l'Occident,,,. En novembre 2018, les Fidji et la Chine signent un accord de coopération des deux pays qui intègre les Fidji à la Nouvelle route de la soie initiée par le président chinois Xi Jinping,. En 2017, les Fidji ont formalisé des relations diplomatiques avec 185 pays - tous les États membres de l'ONU, plus les Îles Cook, Niué, le Saint-Siège et le Kosovo, à l'exception de douze États, tous africains : le Cameroun, la république démocratique du Congo, le Gabon, le Lesotho, la Libye, Madagascar, la Namibie, le Rwanda, Sao-Tomé-et-Principe, la Tunisie, la Zambie et le Zimbabwe,,,. Bien que ces développements aient pour origine la dégradation des relations fidjiennes avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ces relations sont normalisées durant la seconde moitié de la décennie 2010.
Par ailleurs, le gouvernement Bainimarama à partir des années 2010 fait de la mobilisation de la communauté internationale sur les enjeux du développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique le cœur de la politique étrangère fidjienne. Le pays parvient à atteindre une certaine « prééminence dans les affaires mondiales » en étant élu à la présidence du Groupe des 77 pour l'année 2013, devenant le premier pays des îles du Pacifique à présider cette coalition de cent-trente-deux pays en développement aux Nations unies. En 2017, les Fidji, représentées par le Premier ministre Bainimarama, président la COP23, la Conférence des Nations unies de 2017 sur les changements climatiques, consolidant ainsi leur rôle de principal porte-parole des petits États insulaires en développement en matière de lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences,. Ainsi la politique étrangère fidjienne dans les années 2010 continue de se caractériser entre autres « par un leadership affirmé dans [sa] région, notamment au sein des petits Etats insulaires en développement, et un fort engagement dans les négociations climatiques depuis 2010 », les Fidji étant d'ailleurs le « premier pays du monde à ratifier l’Accord de Paris en février 2016 » avant de présider la COP23.
Plus généralement, à partir des années 2010 « les Fidji sont très actifs au sein des enceintes multilatérales et notamment de l’Organisation des Nations unies. Ils ont ainsi été désignés pour présider le groupe des 77 en 2013, le Comité exécutif du FNUAP du PNUD et de l’UNOPS en 2014, l’Assemblée générale en 2016, le Sommet sur les océans (co-présidence) et la COP23 en 2017 », puis le Conseil des droits de l’Homme de l'ONU en 2021, en la personne de la diplomate fidjienne Nazhat Shameem Khan,,.
Le gouvernement Bainimarama perd le pouvoir aux élections de décembre 2022, qui aboutissent à un gouvernement de coalition tripartite rassemblant la droite ethno-nationaliste autochtone et le principal parti indo-fidjien, et mené par Sitiveni Rabuka.
Organisations internationales
Les Fidji sont membres des principales organisations internationales régionales et mondiales. En raison de la position géographique du pays, de sa situation de plaque tournante des vols internationaux dans le Pacifique, et de son niveau de développement économique et humain plus avancé que ses voisins, diverses organisations internationales ont implanté à Suva, la capitale fidjienne, leur bureau couvrant l'ensemble du Pacifique Sud. C'est le cas de la Délégation de l'Union européenne pour le Pacifique, de la Banque asiatique de développement, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, du Comité international de la Croix-Rouge, et de l'Organisation mondiale de la Santé, entre autres.
Relations bilatérales importantes
Présence d'ambassades
En 2023, les Fidji disposent d'ambassades auprès de dix pays. Cinq d'entre elles sont des hauts-commissariats, nom donné à l'ambassade d'un pays membre du Commonwealth auprès d'un autre pays membre. Certains pays disposent d'une ambassade à Suva alors que la représentation diplomatique fidjienne dans ce pays est de moindre rang, ou inexistante,.
En Océanie, les Fidji n'ont de hauts-commissariats qu'en Australie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Nouvelle-Zélande, mais le pays a un « ambassadeur itinérant » auprès des États des îles du Pacifique, qui est également le représentant permanent des Fidji aux secrétariats du Forum des Îles du Pacifique, de la Communauté du Pacifique et du Forum du développement des îles du Pacifique.
Après avoir ouvert davantage d'ambassades à travers le monde au cours des années 2010, les Fidji ferment en 2019 leurs ambassades au Brésil et en Éthiopie, puis en 2020 leurs ambassades à Bruxelles, Kuala Lumpur, Port Moresby, Séoul et Washington D.C., pour des raisons financières.
Ambassades réciproques
Les Fidji ont des ambassades réciproques avec leurs quatre principaux partenaires occidentaux (Australie, États-Unis (indirectement), Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni) et avec quatre de leurs principaux partenaires asiatiques, ainsi qu'avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Ambassade fidjienne uniquement
Ambassade de l'autre État uniquement
Outre la France, l'Afrique du Sud (où le haut-commissariat fidjien a été fermé) et Cuba (dont la politique étrangère active de soft power explique sa présence diplomatique à Suva), les États ayant une ambassade aux Fidji sans réciproque sont de petits États océaniens en développement. Les Fidji sont le pays le plus développé de cette région, le plus actif sur la scène internationale, et le quartier-général régional de diverses organisations internationales, d'où son importance pour ses petits voisins excentrés et moins développés.
Autres relations bilatérales significatives
En date de 2023, les Fidji ont des relations diplomatiques bilatérales officielles avec 178 États. Parmi elles, certaines sont ou ont été significatives, avec parfois des ambassades éphémères :
Voir aussi
- Ministère des Affaires étrangères (Fidji)
- Liste des ministres fidjiens des Affaires étrangères
- Politique des Fidji
- Histoire des Fidji
Références
- Portail des Fidji
- Portail des relations internationales




